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Python nous présente son nouveau projet Glassman: « J’avais atteint une forme d’épuisement avec la jump up »

Python nous présente son nouveau projet Glassman

Dans le cadre de la dernière Slow To Core – qui s’est déroulée le 10 février dernier au BUDA BXL – nous avons échangé avec Python. Pour son tout dernier set sous cet alias, le DJ/producteur belge s’est livré à cœur ouvert, entre anecdotes et réflexions sur la drum & bass actuelle.

Interview avec Python

Quels ont été tes premiers pas dans la musique ?

Je dirais que tout a commencé quand j’avais 5 ans. J’ai commencé à jouer du piano. J’ai juste appris à l’écoute, sans y connaître quoi que ce soit. J’ai ensuite pris des cours. Ça m’a vite lassé. Je me suis dit : “Je veux jouer le plus d’instruments possible”. Mon père, qui écoutait du rock assez calme, a été une influence. J’ai donc commencé à en produire. Un ami à moi m’a ensuite fait découvrir la house. J’en ai produit pendant 6 ou 7 ans. 

Comment je me suis mis à la drum & bass ? C’est une histoire assez marrante. Quand je produisais de la House, j’avais maximum 5 likes sur mes sons – mes amis qui me soutenaient. Un ami à moi qui faisait de la drum & bass a écouté mes sons, et m’a dit : “Mec, il faut qu’on produise un son de jump up ensemble !”. Mon premier son était assez merdique (sic) mais a atteint plus de 8000 écoutes, plus de 1500 likes… De base, je n’étais pas vraiment familier avec ce genre, il ne m’intéressait pas plus que ça. C’est l’accueil qui m’a motivé à produire d’autres tracks ! Je suis aussi allé à ma première soirée drum & bass. Un peu plus tard, j’étais à fond dans la jump up et je ne pourrais plus jamais la quitter.

Et au niveau de tes années de production musicale ?

J’ai 13-14 ans de production musicale derrière moi. Mais d’un point de vue professionnel, disons que j’en suis seulement à 2 ou 3 ans – parce que je ne prenais pas de cours ou autres. Mais par contre, chaque jour, je passais 2-3 heures à produire et j’appréciais l’apprentissage. Bien sûr, maintenant tout est sur Internet. Mais il faut que les jeunes producteurs gardent à l’esprit que cela n’a pas toujours été le cas. A l’époque, quand j’ai commencé à produire, il n’y avait qu’un seul tutoriel sur Youtube. Et encore, ce n’était même pas un tutoriel de jump up ! J’ai juste installé Massive, et je me suis dit : “Ok, on s’en fout, je ne vais faire que produire pendant un mois”. C’est comme ça que je travaille : étape par étape, sans distraction extérieure. Être en contact avec des artistes aide évidemment. Apprendre par soi-même est également possible, mais le retour des autres est si important. Mais il ne faut jamais oublier de rester original et de ne pas essayer de copier les autres.

Quelles ont été tes influences lors de tes débuts dans la drum & bass ?

La scène belge n’était pas aussi développée, à l’époque. C’était même avant qu’Upgrade ne sorte ses premiers sons connus. Tout était très mélodique, et je n’étais pas vraiment bon dans la production de ce genre de sons. Je me suis concentré sur quelque chose de plus métallique. Je n’avais pas vraiment de références. Je me suis concentré sur la musique en tant que telle. Je me suis surpris à être influencé par le swing des années 1920. Ce genre de musique a le même tempo que la drum & bass, aussi très joyeuse… Je me suis rendu compte que c’était la même chose que la drum & bass, mais que c’était de 100 ans plus âgé ! Je me suis dit : “Pourquoi ne pas faire quelque chose de similaire, mais dans une nouvelle version, totalement électronique ?” Je n’étais pas influencé par la drum & bass, parce que je n’en écoutais tout simplement pas ! J’ai juste écouté une track de jump up pour comprendre ce que c’était, je ne connaissais pratiquement aucun artiste. Au début, pour moi, c’était juste un genre de blague !

Quand j’ai commencé la jump up, je ne connaissais qu’un seul morceau ! Je me suis inspiré du swing des années 1920 pour en produire !

Python / Glassman

Quels artistes t’ont-ils marqué au fil de tes années dans la sphère drum & bass ?

Simula, sans hésiter ! Parce que premièrement, c’est quelqu’un qui est atteint d’autisme – ce que je respecte. Cela lui fait avoir une approche musicale totalement différente de la nôtre. Il perçoit des choses qu’on ne peut pas comprendre. J’ai entendu dire qu’il utilisait des plugins qui normalement n’étaient pas destinés à faire du sound design. Il a réussi à créer quelque chose de si tentant à refaire pour tout le monde, alors que c’était – normalement – techniquement « mauvais » ! Il a créé quelque chose de nulle part, en partant de rien. Ses sons qui font un peu penser à des aliens, ça impressionne encore les gens. Ce qu’il a fait et qu’il fait encore, c’est vraiment fou !

Comment décrirais-tu le processus de création d’un morceau de jump up ?

On va dire que je suis habitué à travailler un peu à l’envers, en faisant d’abord mes patterns. C’est plus facile pour moi, parce que j’ai commencé avec les synthés. Mais récemment, j’ai un peu changé mon fusil d’épaule et je me concentre d’abord sur les ambiances, les vocaux, les accords… Créer d’abord une vibe, puis ensuite me laisser guider par elle. Si cela semble mystérieux ou « magique », je sens que cela peut me mener à quelque chose. Mes kicks et mes snares, je les fais après avoir composé l’intro. Mon intro et mon build up (montée), je les ai terminés avant de commencer mes drums (batteries). De cette façon, je ne peux jamais tomber à court d’idées !

D’ailleurs, j’ai essayé de lancer un Patreon mais je n’ai pas adopté la bonne manière de faire. Je me suis retrouvé avec trop de contenu à créer. Je devais toujours rester créatif. Cela a un peu ruiné mon rapport à la jump up. Je devais produire toujours plus, bien trop par rapport à ce que savais faire. Nous entrons dans une ère de la jump up où toute la partie mélodique a disparu. Maintenant, tout doit être bruyant et ‘grinçant’. Je vois du potentiel là-dedans et même si ce que je vais dire va paraître bizarre, je deviens trop vieux pour ça. J’ai 27 ans, et j’ai une vraie expérience dans la scène. Je souhaite le meilleur à la nouvelle génération, ce qu’ils font fonctionne bien, mais je souhaite aussi que certains continuent à produire de la neurofunk ou quelque chose d’hybride – ça s’équilibre assez pour l’instant.

Tu as inventé ton propre genre musical : la grimestep. Comment t’es venu une telle idée ?

Tout est parti d’une blague. Avec des potes, on mixait souvent à la maison. Il y a eu une fois où on mixait de la riddim et j’ai décidé d’augmenter le BPM jusqu’à 210. Ça sonnait vraiment bien, bizarrement ! Je me suis dit que je devais produire quelque chose de similaire, mais à 105 BPM. C’est mon son qui a le mieux marché sur Soundcloud ! Je faisais un peu n’importe quoi et je ne savais pas quels seraient les retours. Au final, ça a été très bien accueilli, au point de devenir viral. A ce moment-là, je me suis dit : “Il faut que je recommence”. Je me suis finalement retrouvé à produire un EP entier.

En Belgique, la popularité de la grimestep n’a absolument rien à voir avec celle qu’elle rencontre en Hongrie. Ils sont vraiment fans de cela. Ici, ils sont plus focus sur la drum & bass.

J’en ai fait écouter à des producteurs de riddim, la plupart n’aimaient pas les sonorités et l’ambiance. C’est bizarre, parce que ça reste très minimaliste, monotone et que ça ressemble beaucoup à de la riddim. Mais bon, ça a été marrant le temps que ça a duré !

Cette perte de l’aspect mélodique, est-ce la raison pour laquelle tu as décidé d’arrêter de produire de la jump up ?

J’ai eu l’impression d’être une industrie, de toujours produire plus pour rester actif. Comme si j’avais été forcé à faire ça ! J’avais perdu la joie de produire de la musique. Je manquais de créativité. La jump up a vraiment commencé à m’ennuyer. J’en écoute encore, mais je rencontre une sorte d’épuisement quand j’essaye d’en produire.

J’ai décidé de m’accorder plus de liberté, et de vraiment faire la musique dont j’ai envie. Mon premier morceau sous Glassman intitulé “Lost & Found”, c’est quelque chose de totalement différent. Il y a d’ailleurs une symbolique dans le nom de ce morceau, parce que j’avais perdu le plaisir de faire de la musique.

Ce nouveau projet va rester de la drum & bass, mais ça sera influencé par plusieurs autres genres – comme la house, par exemple. Je veux juste expérimenter, voir où ça peut me mener. Je ne veux pas me mettre dans une case. Changer de nom et commencer un nouveau projet m’a fait ouvrir les yeux, m’a fait rendre compte qu’il y a tellement plus dans la musique que ce que je m’accordais de voir auparavant.

Existe-t-il encore selon toi certains artistes belges de jump up que tu apprécies, qui font évoluer la scène musicalement et dans le bon sens ?

Je pense notamment à un artiste comme SKAMM. J’ai parlé plusieurs fois avec lui. Il fait beaucoup de sons très mélodiques qu’il ne met pas en ligne, et il est vraiment bon. Il utilise le son très simple d’un GameBoy, qu’il a trouvé gratuitement sur Internet. C’est vraiment bien ce qu’il fait !

Kryptek est vraiment très fort en termes de production. INFERNO, qui est très bon aussi, et qui garde beaucoup de sons pour l’instant. Primate, qui est en train de devenir vraiment connu. Je pense qu’il laissera une empreinte dans la scène. Basstripper fait de bonnes choses aussi.

Est-ce vrai que tu as créé le label Sub Motionz, avec Kryptek et Sandu ?

J’étais dans les fondateurs, oui. C’est moi qui ai trouvé le nom, par exemple. J’étais dans les premiers membres actifs, mais Sandu a fait en sorte que cela devienne vraiment un label, une agence. J’ai également créé mon propre label de grimestep, Sloflo Records. Mais je me suis rendu compte que c’était un peu trop, j’avais déjà beaucoup de travail. J’ai arrêté un an plus tard. C’était amusant, le temps que ça a duré.

Que penses-tu de la scène drum & bass dans le monde ? En Grande-Bretagne, en Hongrie…?

Je ne suis jamais allé en Grande-Bretagne. Mais j’ai énormément de respect pour leur scène. C’est là que tout a commencé. Ils sont vraiment fiers de cela. C’est une scène qui reste encore originale, même après tant d’années.

Sur la Hongrie, j’ai eu la chance de voir la scène naître et grandir. Quand je suis allé jouer là-bas, il n’y avait presque pas de jump up ou de riddim. Il y avait beaucoup de trap et d’hardstyle, mais c’est tout. C’est fou de voir le développement de la bass music là-bas, en une dizaine d’années. Ils adorent la dubstep et la riddim. A chaque fois que j’y ai joué, c’était 95% riddim – 5% jump up ! J’y ai joué 8 fois. C’est un peu devenu comme une famille. Je dirais que la scène hongroise est vraiment plus agréable qu’en Belgique, parce que comme je le disais, les choses n’évoluent pas dans le bon sens. J’ai même vu des gens se battre en soirée ; nous avons cette sorte de personnalité destructrice. Alors qu’en Hongrie, tout le monde est heureux. On dirait des jeunes hippies, c’est tellement sain.

La drum & bass connaît actuellement une nouvelle vague de popularité. Quel est ton avis là-dessus ? Quel avenir peut-on prédire au genre ?

En quelques mots : je suis vraiment fier de la scène drum & bass. Je pense vraiment que le genre va devenir connu dans le monde entier. Ça l’a déjà été, mais il y a une nouvelle version de la drum & bass qui se développe, de manière virale. Le genre commence vraiment à devenir énorme. Des artistes comme Chase & Status ou Bou deviennent ultra-populaires. Buunshin ou IMANU ne sont pas encore très connus, mais ce sont les pionniers d’un genre nouveau et qui explosera dans quelques années. Ce sera très intéressant.

Nous devons accepter que la drum & bass va grandir en popularité et nous devons accueillir les gens nouveaux dans le mouvement

Bien sûr, les connaisseurs de la première heure peuvent ne pas aimer le fait que le genre redevienne populaire et attire soudainement les novices. Mais c’est ce que nous avons toujours voulu ! Nous avons toujours voulu que la Drum and Bass soit quelque chose de grand. Et si c’est le cas, nous devons accepter que les gens “normaux” se mettent à l’écouter et aller en soirée ou en festival. C’est peut-être un peu bizarre, mais cette nouvelle drum & bass, qu’elle soit en jump up, en neurofunk ou hybride, elle plaira à un très grand nombre de personnes. Nous devons l’accepter, et accueillir les gens qui sont nouveaux dans le mouvement.

Le risque quand un genre devient très populaire, c’est qu’il perde en originalité. Si le genre ne se limite pas à une seule zone géographique – comme c’est le cas en Flandre – et s’étend mondialement, cela deviendra plus sain. Imaginons que l’Amérique découvre réellement la jump up dans quelques années. Ce sera la partie amusante ! Ça arrive déjà maintenant, doucement, avec les artistes vraiment connus. Prenons l’exemple de la Belgique il y a 10 ans, avec des artistes comme Levela, Eazy ou Majistrate qui explosaient hors de l’Angleterre. Il suffit de voir ce qu’il se passe avec Hedex. C’est lui l’artiste du moment en jump up. L’Amérique commence à peine à le découvrir, puis ce sera le tour des autres artistes. Ce sera vraiment amusant de voir l’Amérique rattraper un retard de 10 ans ! Un monde totalement nouveau va s’ouvrir à eux.

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