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Notre interview avec Samplifire : “Je veux faire grandir la scène dubstep en France et en Europe”

Notre interview avec Samplifire : “Je veux faire grandir la scène Dubstep en France et en Europe”

Lors de la dernière édition de la Dream Nation les 26 et 27 septembre derniers, 7kulturs a rencontré Samplifire. Le DJ et producteur s’est livré sur son parcours, son ascension fulgurante depuis quelques années, l’état actuel de la scène dubstep en France, ainsi que sur ses nombreux projets à venir.

(Interview réalisée le 1er octobre)

Interview

Premièrement, est-ce que tu pourrais te présenter individuellement en tant qu’artiste ?

Mon nom d’artiste, c’est Samplifire. Ça fait 10 ans que je tourne, aussi à l’international et que je joue ma musique principalement axée dubstep.

Quels artistes t’ont introduit à la dubstep ?

Le premier artiste que j’ai vu, c’était Rusko, en 2011, au festival Astropolis en Bretagne. A l’époque, il y avait une scène Dubstep sur le festival. Je devais avoir 15-16 ans. C’était l’époque où je faisais déjà un peu de son sur FL Studio, sans vraiment savoir où j’allais. Ce set m’a complètement matrixé.

Ensuite, j’ai beaucoup écouté UKF dubstep et drum & bass. J’écoutais beaucoup de DnB à l’époque, surtout pour son côté sound design, avec des artistes comme Noisia, Spor – le premier projet de Feed Me -, ou SKisM. Skrillex aussi, évidemment.

Quelles sont tes plus grandes influences actuelles ?

Les artistes qui m’ont influencé au début ont continué à être des références pour moi pendant longtemps. Parce que j’ai commencé par ça, mais aussi parce qu’ils ont continué à innover par après – notamment Noisia.

Je me suis aussi orienté vers la dubstep bien plus heavy, axée sound design, puis je me suis tourné vers la riddim. Aujourd’hui, je mélange beaucoup, mes inspirations changent. Je suis beaucoup en tournée avec INFEKT, on produit beaucoup ensemble, on s’inspire tous les deux beaucoup.

Ces dernières années, je dirais que je m’inspire beaucoup de mes amis plutôt que d’artistes qui sont déjà bien établis. Bien sûr, je me tiens encore à jour de ce qu’il se passe au niveau pop, notamment de ce que fait Skrillex. Je me sens faire partie de ce milieu qui crée et qui est à l’avant de ce genre qu’est la dubstep.

Pour ce qui est riddim, je dirais INFEKT, Roi*, Modal Nodes, Automhate ou Onara. Pour ce qui est plus généralement dubstep, on peut citer Kompany, Ivory, Bizo, Hammerhead, Dr. Ushuu, Ecraze & Graphyt. Pour le reste, Skrillex reste inspirant parce qu’il a eu un projet tellement multi-plateformes, multi-genres et multi-culturel. DJ Snake aussi. Ce sont des succès énormes. En tant qu’artiste tu as toujours envie de te challenger, et ceux-là sont allés tellement loin…

Tu as d’abord commencé par la deathstep, pour ensuite te tourner vers un style oscillant entre la riddim et la heavy dubstep. Comment décrirais-tu cette évolution de ta signature sonore ?

J’ai toujours été inspiré par la technique, c’est ce qui me poussait au début. Comprendre comment un artiste arrivait à créer de tels sons. Quand j’ai trouvé ma niche et que j’ai compris comment ça marchait, je me suis dirigé vers ce pourquoi j’ai aimé ça à la base : faire danser la foule. Quelque chose qui, oui, donne envie de faire des mosh pit, mais qui donne aussi de danser. Proposer une musique plus ouverte.

J’ai trouvé mon compte dans une sorte de Samplifire 2.0, où la sonorité technique est toujours là, mais aussi quelque chose de beaucoup plus épuré. Comme par exemple ma reprise de “Toxic”, de Britney Spears – un truc que je n’aurai jamais fait avant, ou celle de Crazy Frog – qui va sortir bientôt. Ca participe à faire avancer mon projet. On va dire que je suis maintenant dans une phase d’inverser la prise au sérieux que j’avais. Garder un son qui me plait, mais que ce soit aussi fun pour tout le monde. Quelque chose que tu n’es pas obligé d’être un expert pour apprécier. Ce n’est pas pour autant que je ne ferai plus de sons techniques, parce que j’adore aussi faire ça.

Quelle est la première de tes tracks qui a vraiment percé ? Celle où tu as senti que tu tenais quelque chose ?

C’était la collab avec Ivory, qui s’appelle “Game Over”, sortie en 2019. C’était une très grosse sortie à l’époque, surtout sur le label principal de Never Say Die Records. Elle a été jouée par SKisM et Trampa à l’époque. SKisM m’avait même contacté personnellement en me disant qu’il lui fallait absolument le morceau. J’ai vraiment senti que je tenais quelque chose, et ça s’est confirmé par après parce que la track est devenue numéro 1 sur Beatport, a été jouée énormément, m’a ouvert des portes parce que j’ai eu mon visa pour les États-Unis juste après…

Tu as notamment collaboré avec Marshmello, Svdden Death, Kompany, Kayzo, Dirtyphonics… Mais on a l’impression que MVRDA et INFEKT ont joué un rôle particulier dans ton parcours. Quelle place occupent-ils dans ta carrière et ton évolution artistique ?

Ils ont en effet joué un énorme rôle. Avec MVRDA, on a grandi ensemble, on était un peu sur la même lancée vers 2015-2016. Puis moi, j’ai dû faire des études plus longues, j’ai un peu perdu le mouvement de 2015 à 2018, eux ils sont partis aux US etc. J’ai rattrapé le chemin en 2019, puis le COVID est arrivé. En 2022, on a pu retourner aux Etats-Unis. MVRDA a arrêté pendant 3-4 ans, on s’est un peu distancés, et moi je me suis rapproché d’INFEKT. Parce que nos trajectoires étaient similaires, on était sur les mêmes tournées, on avait le même agent…C’est un peu plus facile pour un label comme Disciple de nous booker et de nous avoir ensemble, outre la similarité de nos projets.

Je suis depuis devenu ami avec eux. Ce sont des inspirations. INFEKT est un modèle de travail, il tourne beaucoup, sort beaucoup de tracks, continue de prouver… MVRDA donne tout ce qu’il faut pour revenir comme avant et est en bon chemin, même si l’effort se voit moins aujourd’hui.

J’ai aussi créé TOOG & GOOT avec MVRDA. A la base, c’était une blague, c’était juste lui qui avait créé TOOG. A l’époque, je n’étais pas du tout fan de riddim. Il a fait un son, je me suis dit que j’allais lui répondre et que je pouvais faire ça en 5 minutes. C’était sans me douter des “conséquences”. C’est devenu un projet qui a été booké, que les gens veulent encore voir. Donc peut-être que ça se refera cette année ou l’année prochaine.

Tu as aussi certaines affinités avec la hard techno. Dernièrement, tu as collaboré avec SLANDER dans leur nouveau projet “Before Dawn”. Que penses-tu du rapport entre les deux genres ?

Dans l’idée, j’adore les deux genres. Aux États-Unis, les deux genres ne sont pas du tout problématiques à jouer dans un même set. En France non plus, de base. Le problème, c’est qu’en France, la techno est tellement établie et dominante que j’en joue moins dans mes sets. Les gens viennent me voir pour que je joue du dubstep. Alors qu’aux US, jouer de la techno dans un set de dubstep m’a vachement aidé à jouer des sets plus dansants, plus abordables, sans casser l’énergie et en gardant le même tempo. Je fais ça de manière stratégique, histoire de varier les plaisirs pendant un set.

Mais dans un événement comme la Dream Nation, où je joue avec une scène techno derrière moi, c’est moins quelque chose vers laquelle je vais aller. Je vais pousser dubstep et en donner plein au public, parce que je suis aussi conscient des réalités.

D’ailleurs, lors du set de Kayzo et MUST DIE ! à la Dream Nation, le public s’est plaint du très grand nombre de tracks de hard techno… Qu’en penses-tu ?

Je pense que les gens ne se rendent pas vraiment compte de la réalité. Ce sont deux artistes qui ont atteint un stade de leur projet où ils ont envie de jouer de la Techno. Et c’est comme ça. Pour moi, c’est une erreur de booking de penser qu’ils allaient jouer de la Dubstep. Si tu regardes un peu, MUST DIE ! ne fait plus vraiment de dubstep depuis quelques années, pareil pour Kayzo – qui fait aussi HIVEMIND -, qui a sorti une track techno avec moi récemment… Il suffit de s’informer un peu pour savoir que ça n’allait pas être une heure de dubstep classique comme un Zomboy. Donc, c’est une erreur de booking, mais aussi une erreur de jugement de la part du public. Idéalement, il aurait fallu les mettre sur la scène techno.

Tu as aussi collaboré avec… Shaquille O’Neal ! Comment ça s’est fait ?

Il a lancé son projet dubstep il y a quelques années. Il est fan de mes sons, il les joue depuis longtemps. Ça m’a toujours un peu surpris. On s’est captés au Lost Lands et à d’autres festivals, je suis allé sur scène avec lui et son équipe. On a connecté, ça faisait un petit temps qu’on disait qu’on devait faire un son ensemble. On est contents de l’avoir fait.

Ivory me montrait ses démos, et je lui ai dit qu’il devait clairement finir l’une d’entre elles. J’avais la vision que Shaq pouvait aller dessus. J’ai fait une intro en trap, puis j’ai combiné ça à la dubstep. Ça l’a fait, puis Shaq (DJ Diesel) a posé dessus. On a un peu modifié le drop, puis ça a donné cette track.

Shaq est sympa, il est fan de dubstep. Il connaît la scène, il arrive à la suivre malgré son agenda. On a passé la soirée avec lui en Allemagne lors de sa tournée, avec Ivory. On est allés au resto avec lui, on a un peu déconné. Ce n’est pas uniquement du business. C’est aussi grâce à son équipe qui arrive à faire le lien entre lui et la réalité de la scène. Il a un agenda super chargé, des fois le lendemain il doit aller à Atlanta pour un évènement NBA… C’est ça qui est ouf, et qui est méga respectable.

Que penses-tu du développement actuel de la scène bass music en France ? Tant au niveau des artistes que des évènements ?

Là on sort de la Dream Nation, il y avait énormément de monde et c’est cool ! Dans l’ensemble, je veux toujours que la scène française et européenne grandisse. J’essaie toujours de faire un effort, que ce soit au niveau des dates ou du cachet. Je suis Français, et j’ai envie de partager ma passion aux gens de mon pays. On s’entraide entre producteurs, on s’entraide, on est sur des groupes Discord etc. Il y a une communauté qui est réelle, mais au niveau des fans, bien que la communauté soit là, elle reste petite. Et il faut lui proposer des choses. On a de la chance que des artistes comme Subtronics viennent jouer (au Cabaret Sauvage, nda), la Dream Nation etc.

De mon côté, je suis en train de travailler sur un projet perso, dans le genre Boiler Room ou Club Studio Time, avec un collectif français qui s’appelle Low Records. J’ai toujours trouvé que leurs vidéos étaient super. Je me suis dit : “Pourquoi ne pas passer au next level ?”, et de le faire dans une salle, avec une vraie sono. Un 50/50 entre une vraie soirée payante et une soirée entre potes, dans une salle, gratuite, mais avec un line-up. Pour moi, ça peut être intéressant, parce que ça permet de créer un événement accessible, de faire découvrir, et de donner du contenu aux artistes. Si un artiste français ne joue pas aux USA, mais que si son set est de qualité, ça peut être comparable à ce qui se fait là-bas et lui donner une certaine visibilité. Ça permet de faire grossir la scène et les artistes.

Low Record invite
Low Record invite SAMPLIFIRE

Il y avait beaucoup de soirées dubstep en France il y a quelques années (Ambassad, Propulsion, Animalz…), mais leur nombre semble diminuer…

Il y a encore des soirées au Glazart – avec la Riddim Restaurant -, il y avait le Nexus pour certaines soirées, les soirées Drop In Bass, la Reception

La réalité, c’est qu’il y a moins de fans qu’en 2019, dans la phase pré-COVID. Et la fanbase ne s’est pas renouvelée. Ca, et l’explosion de la techno, qui est devenue extrêmement mainstream, qui attire un public de normies. Quand je vois Nico Moreno dans le Top 100 DJ Mag aux côtés de Fisher ou de David Guetta

Ce sont ces deux réalités qui ont fait que la scène dubstep ne s’est pas renouvelée en France. Pourtant, je pense qu’il y encore un potentiel de convertir des fans. Mais comment tu veux les attirer quand tu n’as qu’une Dream Nation et le Glazart ? Il faut profiter des formats aussi intéressants que ceux en techno, essayer de créer un engouement, une fanbase… Et aussi miser sur le fait que plein de gens qui vont en soirée techno se plaignent, disent que c’est toujours la même chose… Mais ils préfèrent quand même aller en techno parce que c’est la meilleure option. Moi, j’ai toujours préféré les soirées dubstep, parce que j’ai toujours trouvé ça mieux en termes d’énergie et de musique. C’est un goût personnel.

Et puis, un dernier point, c’est aussi le jugement, le regard des autres. Si tu aimes bien la dubstep mais que tous tes potes kiffent la techno, tu vas quand même finir par les suivre. C’est un effet de groupe. Il y a plein de gens qui réfléchissent comme ça, se disent que c’est bizarre d’aller en soirée dubstep

Juste pour la petite histoire, à l’époque j’étais dans un collectif en Bretagne (à Brest) qui s’appelle West Sound qui a booké des artistes comme I Hate Models, Somewhen ou 999999999 qui étaient déjà établis. On les avait pour pas trop cher. Mais dans le même temps, il y avait aussi l’option des soirées dubstep qui restait, que le genre grandisse. J’ai vu ça, l’évolution, et je vois aussi la possibilité de changer les choses. Cependant, ça demande beaucoup d’investissement, aussi au niveau financier. A terme, mon objectif ultime serait de grossir tellement pour pouvoir réinvestir à fond dans la scène locale et faire revenir le son en France. Mais mon projet doit encore grandir pour pouvoir faire ça. C’est aussi une question de pouvoir rivaliser avec les soirées techno actuellement. Ce sont les gens qui aiment les deux genres qu’il faut aller chercher. La preuve avec les événements Rampage, qui rencontrent un gros succès.

Justement, en parlant de Rampage, quel est ton rapport avec la scène belge ?

J’avais beaucoup joué en Belgique avant, notamment à la Night Grinderz ou les Skankerz. C’est difficile d’en faire d’autres maintenant, autres que Rampage. Je sais qu’Eptic fait encore des tournées en Belgique. J’aimerai bien faire comme lui ou Subtronics, proposer des concerts Samplifire avec une line-up. Mais c’est compliqué à évaluer, du point de vue de où tu es dans ta carrière. La preuve, c’est qu’un artiste comme Eptic peut à peine commencer à faire ça.

On a l’impression que depuis ta tournée aux USA avec INFEKT (2022) puis la sortie de l’EP “Firestorm” (2023), ta carrière a pris un nouveau tournant. En tant qu’Européen, que penses-tu de cette “nécessité” de percer aux États-Unis ?

C’est sûr que c’est dommage. C’est difficile d’y arriver. Après le visa, tu dois encore réussir à percer aux USA, ce qui n’est pas garanti. J’ai eu la chance d’avoir eu beaucoup de momentum depuis quelques années. Mon avis, c’est que j’aimerai bien que ce soit possible de percer en restant en Europe. La réalité, c’est que c’est impossible actuellement. Prenons les fans de Rampage : disons, 20.000 personnes. C’est l’équivalent d’un public de seulement un week-end à Denver. Les Américains, ils voyagent plus pour les concerts, ils payent plus, il y assistent plus souvent, et ils sont bien plus nombreux. Ce n’est juste pas comparable ! Financièrement, le seul moyen de vivre de ses concerts, c’est se produire aux USA. On peut vivre de sa passion avec Patreon, en donnant des cours et en faisant quelques concerts. Je ne pourrais en vivre actuellement qu’avec mes shows, mais je mets un peu de côté. C’est une réalité compliquée. Et quand tu vois le cachet en Europe ainsi que la fréquence des soirées… Et il ne faut pas l’oublier : être DJ, c’est un métier à risque. Là, on parle de faire une carrière sur le long terme. Je pense que j’ai beaucoup de chance d’en être arrivé là.

Honnêtement, est-ce que tu t’attendais au succès que tu rencontres depuis plusieurs années ?

Pas vraiment ! C’est compliqué de voir les étapes supérieures quand elles sont encore trop loin. Là, par exemple, j’ai fait EDC et Rampage. Peut-être que l’étape supérieure ce sera des slots encore plus gros sur ces événements-là, ou alors une tournée en tant qu’headliner… Alors qu’il y a trois ans, le truc de fou, c’était d’avoir le visa pour aller aux États-Unis. Et encore, je n’étais pas du tout sûr de l’avoir ! Je ne vais pas mentir : je suis conscient de là où j’en suis, et j’attendais cela, mais pas il y a trois ans.

Ta collaboration de rêve, si ce n’est pas encore fait ?

J’aimerai bien DJ Snake, parce qu’il est français et que c’est un énorme artiste. Je pense que ce serait une fierté personnelle de collaborer avec lui.

Des sorties en préparation ? Des exclus à nous partager ?

Comme je l’ai déjà expliqué, il y a le nouveau concept de soirées avec Low Records. Ensuite, j’ai mon remix de Crazy Frog qui va aussi bientôt sortir. J’ai aussi des collabs avec Jkyl & Hyde, TYNAN, YDG, avec Barely Alive & INFEKT… Je travaille aussi peut-être sur une tournée aux États-Unis. Aussi en Europe, mais c’est en projet. On verra déjà si la soirée avec Low Records ramène du monde (nda : l’événement a depuis annoncé le sold out).

Retrouvez l’interview complète en vidéo ainsi qu’un extra avec « Bass Choices »

Interview classique

Bass Choices

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