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Notre interview avec Pythius : « La neurofunk a clairement cessé de stagner ! »

Notre interview avec Pythius : "La neurofunk a clairement cessé de stagner !"

Lors de la soirée Exoterra organisée par Broken’Bass et Blanquette and Bass, nous avons rencontré Pythius. Devenu une figure majeure de la scène neurofunk, le DJ et producteur néerlandais s’est livré sur sa carrière longue de plus de 10 ans.

Interview

Comment te décrirais-tu en tant qu’artiste ? De quand datent tes débuts ?

J’ai commencé à produire de la musique électronique en 2007 – quand j’avais 17 ans. Très tôt, j’ai pris des cours de musique à l’académie Herman Brood, à Utrecht. J’ai même été dans la même classe que Martin Garrix ! En tant qu’artiste, je pense que je me décrirais comme quelqu’un qui fait de la drum & bass, avec des influences de metal, de trance, de techno…J’ai découvert le genre via un ami qui produisait de la deep drum & bass. Je reste encore fort attaché à la deep. Par exemple, j’ai deux tracks dans ce genre-là dans mon dernier album.

J’ai toujours voulu produire de la neurofunk, mais c’est assez dur… (rires). Étant un très grand fan de metal, j’ai toujours été attiré par la musique agressive. J’ai commencé avec des groupes comme Rammstein ou Slayer. Ensuite, je me suis plus intéressé au black metal, au death metal ou au stoner doom. Par ailleurs, j’aime aussi beaucoup ce qu’il se passe dans la nouvelle scène jazz anglaise.

Quels artistes t’ont fait tomber amoureux de la drum & bass ?

Je viens d’Utrecht, donc forcément, le premier nom qui me vient en tête est celui de Black Sun Empire. On est de la même ville ! Bien sûr, je ne peux pas oublier Noisia, qui est aussi un groupe néerlandais. Je peux aussi citer Audio.

Quelles sont tes plus grandes influences actuelles ?

Il se passe beaucoup de chouettes choses actuellement dans la scène drum & bass. Je pense notamment à mes amis de Buur Oak. Mefjus aussi, qui est un producteur incroyable. Annix, qui ne cesse d’innover et qui est très expérimental. Je pense qu’il ne faut pas se limiter à un seul sous-genre de drum & bass, sinon tu en perds l’essence même.

Ton premier EP à succès (“Abandon”, en 2014), est sorti sur Blackout, le label de Black Sun Empire. Comment se sont déroulés les contacts avec eux ? Qu’est ce que cela t’a fait de sortir des tracks sur un tel label ?

Je les ai rencontrés dans un bar quand j’étais un peu bourré ! (rires) J’ai eu le courage d’aller leur parler et de leur expliquer que je faisais de la musique. Peu après, j’ai été programmé à une soirée Blackout à Utrecht – avant que cela ne devienne un label. Je n’avais que 24 ans à ce moment-là. Ils m’ont soutenu depuis le début, et je leur en serai toujours reconnaissant.

Justement, il y a 10 ans, la neurofunk était en pleine expansion. Que penses-tu du développement du genre, l’état actuel de la scène ?

Pour moi, la neurofunk a beaucoup changé en l’espace de 10 ans. Il y a des artistes qui essayent de nouvelles choses, ce qui rend le genre encore très intéressant. Oui, cela a peut-être un peu stagné, mais pas lors de ces dernières années. Vers 2018-2019, il y a eu une énorme mode du “roller”, la jump up connaît un énorme pic de popularité… Bref : ce n’est jamais figé. Et donc, selon moi, la neurofunk concentre clairement beaucoup d’attention actuellement.

Je dirais qu’il y a une tendance actuelle à inclure de plus en plus d’éléments de metal dans les tracks de neurofunk. Concernant le public, c’est assez fou de voir à quel point la neurofunk garde une grosse fanbase, très loyale, attachée à cette identité sombre et agressive.

Justement, quels sont les artistes/labels émergents à suivre absolument ?

Il y a beaucoup de nouveaux artistes au sein de la scène en République Tchèque. C’est clairement l’endroit où la neurofunk est restée en vie à un moment où le genre perdait en popularité. Des artistes comme Audio ou Prolix continuent à être des références, tout en testant de nouvelles choses. Sinon, Notequal et SLWDWN sont aussi à suivre absolument.

Tu viens des Pays-Bas. Comment décrirais-tu le développement actuel de la scène, avec des artistes comme IMANU, Buunshin, Trinist… ? La Dnb semble avoir pris une nouvelle dimension là-bas…

Je trouve que c’est vraiment rafraîchissant. Cette nouvelle scène s’inspire d’éléments provenant de la house, de la techno, de la colour bass ou de la future bass. Dans la new gen – même s’il n’est pas néerlandais – je dirais que The Caracal Project est vraiment très fort.

Parmi les noms à suivre dans la scène néerlandaise, je pense évidemment à celui de Skamele, qui propose de la neurofunk dans sa forme la plus pure, avec de très bons artistes (First Person, Mind Theory…).

Reparlons de ta relation avec Black Sun Empire. Tu as beaucoup collaboré avec eux. En quoi cela t’a aidé d’être épaulé par de telles légendes pendant ta carrière ?

Comme je l’ai dit, ils m’ont soutenu dès le début. J’ai même travaillé pour le label à un moment. Je leur ai montré une première version de “Desert Sand”, et ils ont voulu collaborer dessus. Je les connais depuis 12-13 ans, et ce sont devenus des amis proches.

Justement, tu as partagé les platines avec eux lors de la Rampage 2024. Quel est ton souvenir de ce set ? Quel est ton rapport avec la scène belge ?

Je garde un très bon souvenir de ce set. J’ai vraiment adoré. La scène était folle, l’ambiance aussi…Vraiment un super moment !

J’ai toujours adoré venir jouer aussi en Belgique. Les gens sont très enthousiastes, sautent partout, se poussent entre eux… Je n’ai jamais vu cela autre part !

Plus de 10 ans de carrière, des collaborations sur les plus grands labels, des prestations sur les plus grandes scènes… Quel regard rétrospectif portes-tu-dessus ? Peut-on dire que tu as atteint une forme de consécration ? Comment toujours se redéfinir, sans s’épuiser ?

Pour être honnête, je pense que j’ai atteint un niveau plus haut qu’il y a quelques années. Je suis assez content de cela, parce que c’est évidemment ce que tu recherches en tant qu’artiste. Je ne me serais jamais imaginé à un tel stade il y a 10 ans. De base, ce n’était qu’un rêve. J’essaie de ne pas placer mes espérances trop haut, pour ne pas être déçu.

Je pense que la clé pour ne jamais s’épuiser, c’est de continuer à produire, à créer, tenter de nouvelles choses. Sinon, ça risque de devenir ennuyant. Prends par exemple mes deux albums : ils sont complètement différents l’un de l’autre. J’aime aussi beaucoup apprendre de nouvelles techniques de production, notamment via Patreon. C’est amusant.

La recette secrète pour un bon set de neurofunk ?

La première chose très importante, c’est de garder un bon flow tout le long du set. Ensuite, je dirais que cela ne sert à rien de faire des double drop pour le principe d’en faire. Il faut que ça sonne bien et que ça ait du sens. Je fais quelques doubles, mais il faut un équilibre. C’est aussi important de laisser la tension redescendre un peu de temps en temps pour que les gens reprennent leur souffle. Si tu ne fais que passer drop après drop, les gens vont inévitablement se lasser.

Le meilleur conseil que tu pourrais donner à un jeune artiste ?

Travailler pendant de très nombreuses heures (rires). Parvenir à te différencier, à savoir ce que tu aimes vraiment dans ce que tu fais. Je pense qu’il faut rechercher une certaine forme de musicalité, surtout dans un genre aussi agressif que la neurofunk. Parce que les tracks qui restent, qui marquent, qui se différencient de la masse, ce sont celles avec une musicalité, avec des vocaux etc. Ca me fait un peu penser aux raisons pour lesquelles j’aime autant le black metal : parce que c’est une musique très atmosphérique, qui fait ressentir des émotions. Il faut que tes productions aillent titiller cette espèce de corde sensible chez l’auditeur. Il faut cette petite touche en plus, qui fait ressentir quelque chose. Par exemple, si ton morceau monte progressivement sur un ton triste ou lourd, le drop – aussi agressif soit-il – marchera car il aura une sorte d’effet libérateur sur l’auditeur.

Dernière question : que signifie ton nom d’artiste ?

Je l’ai trouvé quand j’avais 17 ans. Je me suis demandé : “Qu’est-ce qui est cool ? Les serpents. Lesquels ? Les pythons !” J’ai essayé de trouver autre chose, qui ressemblait un peu au nom, et c’est comme ça que je suis tombé sur Pythius ! J’ai bien aimé et j’ai décidé de le garder. Ça avait un côté un peu mystique. Un peu plus tard, lors de la première année où j’étais en tournée, on m’a dit que c’était…le nom d’un dieu grec. Mais c’était un peu trop tard pour que je change, j’avais déjà sorti plusieurs EP sous ce nom-là (rires) !

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